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Y-a-t-il vraiment eu un Big Bang ?
C’est la question dérangeante posée dans un article paru dans le journal en ligne « BBC future » du 20 janvier 2020 [00].
Elle met implicitent en doute la validité de la cosmologie actuelle. Les auteurs s’appuient sur le fait que les explorations réalisées visant à valider les scénarios inflationnistes n’ont pas été couronnés de succès.
Un nombre croissant de physiciens ayant de l’influence soutiennent l’idée selon laquelle le Big-Bang n’aurait été qu’une zone de transition dans l’histoire physico-chimique de notre univers.
Le débat Hubble – Hoyle se poursuit
Le modèle standard de la cosmologie, dit LCDM, accepte l’existence de la constante cosmologique Lambda et celle de matière sombre froide. Ce modèle s’inscrit dans la vision proposée en 1929 par Hubble [01-1], [10-1] et non pas dans celle de son challenger, F. Hoyle [02]. Le débat soulevé par l’article cité ci-dessus poursuit à sa façon celui opposant les tenants de la thèse de Hubble et ceux préférant celle de Hoyle.
Le modèle standard fait démarrer notre univers par une explosion, le fameux Big Bang. Le second démontre que la théorie de la relativité générale reste compatible avec un processus de création permanent et omniprésent de matière. Seule condition indispensable à valider cette thèse : les circonstances physico-chimiques ad hoc doivent exister dans les zones apparemment vides de l’univers.
Hoyle n’a pas été le seul à formuler l’existence éventuelle d’univers multiples ; voir [10-2 ; p. 219]. Quoiqu’il en soit, la thèse de Hubble a désormais reçu l’approbation de la majorité des communautés scientifiques. Elle n’en reste pas moins âprement débattue ; notamment à cause des incertitudes planant sur la constante de Hubble.
Les nouvelles moissons de données
Tous les paramètres clés sur lesquels repose le modèle ont fait ou font encore l’objet de remises en cause :
- Le choix et les caractéristiques des nébuleuses ayant servi aux mesures de la constante de Hubble ;
- La présence nécessaire ou non de la constante cosmologique [10-2 ; p. 26, pp. 115-126] dans les équations de la théorie de la gravitation proposée par A. Einstein [03].
La confrontation systématique entre les diverses solutions (p.ex. : les métriques FLRW, [10-1 ; p. 97], etc.) de cette théorie et les mesures astronomiques apparaît clairement dans le travail de Hoyle [02].
Elle porte par exemple sur l’invraisemblance de l’âge de l’univers résultant des solutions proposées par le modèle statique. Autrement dit, le débat concernant l’âge de l’univers n’est pas clos en privilégiant la thèse de Hubble. Toutes les observations récentes le réouvrent de manière intense.
La prévision théorique de l’existence de filaments intergalactiques [04-1, 2, 3] et les mesures réalisées en particulier par l’organisme européen ESO dans le cadre du projet MUSE [05-1, 2, 3] attisent à nouveau la discussion de manière spectaculaire. Les données envoyées par le JWST ne l’apaisent pas.
Les enseignements à en tirer
Les comparaisons entre les données les plus récentes et les cartographies permises par les vues du télescope Hubble exhibent plusieurs résultats effrayants. Ce dernier est clairement atteint de myopie. Il loupe environ 40% des objets célestes présents dans sa sphère de perception. Sa profondeur de champ l’empêche de voir ce que d’autres télescopes peuvent découvrir.
Ces relevés influencent évidemment les débats théoriques actuels. Ceux-ci doivent affronter plusieurs problématiques évoquées abondamment dans la littérature spécialisée. Parmi elles, il convient de citer au moins :
- la cause de l’expansion universelle ainsi que son accélération croissante ;
- les mécanismes de création des galaxies (existence d’une phase dite de ré-ionisation : quand, comment, etc.) ;
- la masse totale de l’univers (toutes formes d’énergies incluses) ; les questions relatives à la masse sombre et à l’énergie dite abusivement noire [07], [08], [09].
Les nouvelles données :
- suggèrent que la masse manquante est moins grande que ne le laissaient penser les relevés antérieurs. Elles contribuent ainsi à éclaircir un peu le point 3.
- éclairent également un problème soulevé dans l’article [06] :
« Si tout part d’une explosion initiale unique (le Big Bang), comment expliquer la présence de galaxies n’ayant pu être corrélées les unes aux autres ? »
La découverte de galaxies supplémentaires à une époque relativement précoce de la chronologie universelle [05-2] augmente en effet la densité relative de matière. Cette matière – apparemment de l’hydrogène réparti au sein des filaments- accroit donc la probabilité de corrélations entre les galaxies. Ce qui semblait impossible avec les mesures précédentes.
De l’intérêt d’élaborer une théorie décrivant les filaments cosmiques
Les plus récentes études et observations confirment l’existence de filaments galactiques contenant de la matière baryonique.
La théorie dite de la question (E) a prédit ces structures dès le début des années 2000 dans une approche naïve impliquant des cordes élastiques.
En mêlant le formalisme classique des lois de la mécanique classique (Newton) et de l’électromagnétisme (Maxwell), elle parvient à :
- démontrer l’existence de courants neutres dans les régions vides ;
- retrouver l’équation d’état caractérisant ces régions.
L’équation d’état des régions vides de l’univers [10-1 ; p. 115] révèle le caractère quantique de l’énergie sombre.
Elle offre un argument supplémentaire justifiant la construction d’une théorie quantique de la gravitation.
Au début des années 2000, au moins quinze pistes de recherche sur ce thème étaient ouvertes [11 ; page arrière du livre].
L’hypothèse récurrente des fluides parfaits
Parmi elles, l’hypothèse consistant à assimiler les régions vides de matière observable à une sorte de fluide parfait.
L’équation d’état de cette famille de fluide est connue et étudiée depuis longtemps puisque les passionnés en retrouveront des traces dans un ouvrage daté de 1955 [12].
L’informatique au secours de la physique
De manière plus sophistiquée, certaines équipes scientifiques cherchent aussi à résoudre les équations de la relativité générale grâce à un usage intensif de l’informatique.
Elles espèrent ainsi pouvoir reproduire sur écran les structures stellaires observées… sans être obligées d’accepter cette mystérieuse énergie sombre [13].
D’autres groupes avancent l’hypothèse selon laquelle les diverses structures matérielles géantes, souvent réparties autour de gigantesques bulles de vide, auraient un comportement analogue à celui d’une immense mousse polymérique [14].
Les interactions gravitationnelles entreraient en compétition avec le flux expansionniste pour former cet étrange réseau galactique.
L’intuition de l’existence d’un fluide parfait au sein des bulles vides ne serait finalement qu’une illusion.
Elle rendrait compte, en miroir, des phénomènes ayant lieu au sein des parties réelles et matérielles de notre univers.
Le débat sur la partition entre ce qui relève du matériel et ce qui revient au néant réapparaît.
Pour l’heure, les théoriciens ne savent toujours pas résoudre les équations de la théorie de la relativité générale de manière systématique.
Un constat qui ramène indirectement à la discussion sur et aux recherches entourant les métriques FLRW.
Superfluidités | Questions ouvertes |
Bibliographie
[00] https://www.bbc.com/future/article/20200117-what-if-the-universe-has-no-end?
[01-1] Hubble, H.: A relation between distance and radial velocity among extra-galactic nebulae, Proc. N.A.S. Vol. 15, pp. 168-173, 1929.
[02] Hoyle, F.: A new model for the expanding universe; MNRAS, © Royal Astronomical Society, Vol. 10, Nr. 5, 1948.
[03] Einstein, A.: Die Grundlage der allgemeinen Relativitätstheorie; Annalen der Physik, vierte Folge, Band 49, (1916), N 7.
[04-1] On the nature of filaments of the large-scale structure of the Universe; HAL Id: hal-01962100, preprint submitted on 20 Dec. 2018.
[04-2] Detection of cosmic filaments using the Candy model; HAL Id: hal-02675764, submitted on 31 May 2020. Published in Astronomy and Astrophysics, © ESO 2005.
[04-3] Possible observational evidence that cosmic filaments spin; arXiv:2106.05989v1 [astro-ph.GA 10 Jun 2021.
[05-1] MUSE, 22 Nov. 2017, www.eso.org/sci/facilities/develop/instruments/muse.html
[05-2] Des filaments cosmiques (de gaz d’hydrogène -ndlr) qui alimentent les galaxies détectées à 12 milliards d’années-lumière de la Terre ; scienceetavenir.fr, 8 octobre 2019.
[05-3] Les premières images de la toile cosmique révèlent une myriade de galaxies naines insoupçonnées ; cnrs.fr, 18 mars 2021 ; voir aussi l’article dans : « Astronomy and Astrophysics ».
[06] Sutter, P. : Seeing the ‘real’ Big Bang through gravitational waves; space.com, 25 July 2021.
[07] Weinberg, S.: The cosmological constant problem; copyright, 1988, APS – reviews of modern physics, Vol. 61, number 1, January 1989.
[08] The weight of the vacuum; arXiv: hep-th/0212290v2, 26 February 2003.
[09] Missing matter may be found; Sciences News, June 20, 2020.
[10] Reeves, H.: [10-1] : Dernières nouvelles du cosmos, © Editions du Seuil, septembre 1994, 2-02-020571-8, 237 pages ; [10-2] La première seconde (Dernières nouvelles du cosmos 2), © Editions du Seuil, septembre 1995, 2-02-038196-6, 252 pages.
[11] Quantum Gravity in 2 + 1 dimensions, © Cambridge University Press, 1998, ISBN 0-521-54588-9, 276 pages.
[12] Lichnerowicz, A. : Théories relativistes de la gravitation et de l’électromagnétisme ; 1955, Massons et Compagnie, Editeurs, Paris.
[13] Projet Wolfram.
[14] Adventure in a lumpy space; Sciences News, November 25, 2017.