Il y a d’un côté ce que prédit la théorie, le modèle standard de la cosmologie et il y a de l’autre côté ce que les instruments observent ou permettent de mesurer. Au milieu de tout ceci : des anomalies statistiques.
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Les naines rouges précoces
ZF-COSMOS-20115, une galaxie rouge, jette des doutes sur la cosmologie standard. Elle a été observée alors que notre univers n’avait encore que 1,65 milliards d’années. Sa masse vaut au moins trois fois celle de la voie Lactée (notre galaxie). Autre curiosité interrogeant les astronomes : elle ne produit plus d’étoiles.
Les galaxies équivalentes sont en général plus petites et ont tendance à donner naissance à de nouvelles étoiles. Les raisons expliquant qu’un tel monstre se soit formé si rapidement sont obscures. Celles justifiant sa stérilité ne le sont pas moins.
Contrairement au processus habituel, cette galaxie a formé environ un millier de soleils par an (au lieu d’une centaine). Cette effervescence lui a permis d’atteindre la taille observée en environ une centaine de millions d’années.
Cette activité insolite trouve peut-être son explication dans une collision avec une autre galaxie. Ce scénario justifierait la présence de grandes quantités de gaz compressés et sa possible conséquence logique : la formation d’étoiles par accrétion. Une fois le gaz épuisé, la formation d’étoiles cesse rapidement.
Les avis sur la nécessité de reconsidérer les scénarios de formation des galaxies divergent selon les équipes scientifiques. Pour certaines, ces galaxies massives, mortes et rouges devraient être des objets rares. Ce n’est pas l’avis des auteurs de l’article [01] qui, dès 2014, disent avoir répertorié un bon nombre de spécimens de ce type.
Des études complémentaires devront donc vérifier si tous ceux-ci sont effectivement inactifs et, in fine, combien de sources gravitationnelles étaient déjà présentes il y a 13,8 milliards d’années, juste un milliard d’années après le Big-Bang !
Rappels concernant les trous noirs
Autre poil à gratter la curiosité des scientifiques : les trous noirs. Leur existence a été supputée il y a un certain nombre de siècles. Cette supputation repose sur un simple raisonnement logique, In extenso : si -comme le laisse supposer la loi de Newton- les masses s’attirent, alors elles ont une tendance naturelle à s’agréger.
Par conséquent, des masses chimiquement inertes livrées à elles-mêmes finiront par former un agrégat captant tout ce qui passe à sa proximité, y compris et pourquoi pas : la lumière. D’où leur nom. La publication très médiatisée de la première image d’un spécimen de cet étrange phénomène physique a été rendue publique en 2019. Elle a été obtenue à grand renfort d’algorithmes. Autrement dit et dit en passant, la visualisation serait impossible sans l’informatique. Sa parution n’a pas calmé les recherches sur ce sujet.
Autre anomalie : les trous noirs massifs précoces
Des observations récentes révèlent l’existence de trous noirs supermassifs (M ~ un ou deux milliards de fois la masse solaire !) à une époque ancienne de l’histoire universelle. Epoque à laquelle très peu d’étoiles étaient déjà présentes [02].
Ces observations, loin d’être anodines, interrogent une fois de plus les bases de la cosmologie standard.
En effet, nous savons aussi depuis quelques années que de très nombreuses galaxies abritent un trou noir en leur centre. Ainsi, le scénario majoritairement admis de nos jours est qu’un centre galactique se forme par l’accrétion progressive des masses présentes dans une région donnée de l’univers. Cette agglutination finit par donner naissance à un trou noir. Ce qui se figure de la manière très simplifiée suivante :
Etoiles => Etoile massive => effondrement en supernova => trou noir
Ce scénario, apparemment logique, ne peut pas s’appliquer aux trous noirs supermassifs précoces. En effet, ils apparaissent à un moment où le nombre des étoiles ne permettrait pas d’atteindre la masse observée.
Comment expliquer les trous noirs massifs précoces ?
Puisque nous faisons confiance à nos mesures, la recherche d’un scénario plausible devient une nécessité. De nombreuses propositions ont déjà été émises mais aucune ne donne entière satisfaction à ce jour. Par exemple, dans [02] et [03], la notion de réensemencement ionique est évoquée puis écartée.
Lentement, le scénario d’un halo gazeux originaire (jeune) dépourvu de métaux, parcouru par de fortes turbulences et s’effondrant sur lui-même fait son chemin ; il est déjà évoqué en 2013 dans [02].
Ce qu’il faut en retenir ? Un équilibre compétitif entre des radiations centrifuges et la pression gravitationnelle centripète s’installerait. La limite d’Eddington désigne les situations où les deux forces s’équilibrent. La vitesse d’accrétion de Eddington et la luminosité de Eddington joueraient un rôle déterminant dans la formation de ces super-géants.
Les auteurs de [04] montrent par exemple que les galaxies du type NLS1 ont un fort taux d’accrétion mais une luminosité à la limite d’Eddington. Ils en déduisent que le centre de ces galaxies devrait préférentiellement se concevoir comme un trou noir de Kerr (en rotation) et non pas comme un trou noir statique de Schwarzschild.
Diverses simulations numériques explorent ce scénario alternatif, [04], [05]. Elles espèrent démontrer qu’il est la bonne réponse à l’énigme observationnelle des trous noirs massifs précoces.
Conclusions
Pour autant, le modèle standard de la cosmologie [06] fait face à un certain nombre de défis dont les amoureux des sciences trouveront un exposé dans [07].
Parmi ces défis : la géométrie du modèle, l’homogénéité du modèle, etc.
Un univers homogène et isotrope ? | Les métriques FLRW |
Bibliographie indicative
[01] A massive, quiescent galaxy at a redshift of 3.717; Nature. Vol. 544, April 6, 2017.
[02] Black hole formation in the early universe; arXiv: 1304.0962v2 [astro-ph.CO], 16 May 2013.
[03] Supermassive black holes in the early universe; arXiv: 1511.05494v1 [astro-ph.GA], 17 November 2015.
[04] Super-Eddington accretion rates in narrow line Seyfert 1 galaxies; arXiv: astro-ph/0407181v1, 8 July 2004 – paru en 2018.
[05] The Mass Function of Supermassive Black Holes in the Direct-collapse Scenario; Astrophysical Journal Letters, 2019; doi: 10.3847/2041-8213/ab2646.
[06] Voir les cours de cosmologie.
[07] Observational challenges for the standard FLRW model; arXiv: 1512.03313v2 [astro-ph; CO], 8 February 2016.