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Un peu d’histoire

Image d'une plante déssèchée donnant naissance à une intuition sur la structure quantifiée de l'espace-temps. Elle semble justifier le concept de cosmologie quantique.

 Le nombre des réponses qui peuvent être obtenues en tapant les deux mots « cosmologie » « quantique » (ou, pour ceux qui ne rechignent pas à lire ce qu’en disent les anglophones « quantum » « cosmology » ou/et les germanophones « Quantum » « Kosmologie ») dans un moteur de recherche est impressionnant.

Temps de lecture : environ 10 minutes.

Bien entendu, dans le cadre des sciences rationnelles, le doute est toujours justifié ; Descartes ne s’opposerait pas à cette attitude.

En parcourant les réponses proposées sur Internet, le doute rationnel accompagnant le sérieux de la cosmologie quantique est en partie renforcé.

L’article de l’encyclopédie libre Wikipédia [01] consolide cette première impression puisqu’il emploie le qualificatif de discipline spéculative à son égard.

Ce jugement peut paraitre sévère mais il se fonde sur la contradiction profonde à vouloir juxtaposer les deux mots, « cosmologie » et « quantique ».

Tout les sépare, ou presque. En effet, le premier s’intéresse à l’infiniment grand alors que le second se concentre sur l’infiniment petit.

C’est la raison pour laquelle certaines définitions proposées pour cette discipline spéculative tentent de surmonter cette contradiction en proposant un compromis conceptuel.

Celui-ci consiste à affirmer qu’elle étudie le cosmos peu de temps après la survenue du Big-Bang !

D’autres réponses augmentent encore plus les premiers doutes. Tout simplement parce que leurs auteurs publient leurs réflexions dans une revue consacrée à la philosophie, [02 ; 2000].

Certains autres, par exemple dans [03 ; 2006], se posent la question de savoir si un tournant dogmatique est en train de s’opérer en cosmologie. Ils examinent donc la discussion à un niveau religieux et non pas scientifique.

Certaines revues en ligne ne lèvent pas plus le voile sulfureux entourant le sujet ; par exemple [04] le traite en laissant penser que la notion de cosmologie quantique se rapporte plus ou moins automatiquement à la très suspecte et très controversée hypothèse des univers parallèles.

L’article de la revue [05], inspiré par celui publié sur Wikipédia en 2006, définit aussi la cosmologie quantique comme la branche, aujourd’hui quelque peu spéculative, de la cosmologie qui vise à décrire les premiers instants de l’univers.

Il est vrai que nous n’étions pas là lors de la naissance de l’univers. Nous n’y serons d’ailleurs jamais.

Dans le cadre actuel du modèle standard de la cosmologie reposant sur l’hypothèse d’un Big-Bang initial, seuls des télescopes (Hubble, James Webb) peuvent apporter un éclairage expérimental sur les modèles énoncés par les théoriciens.

Faut-il pourtant renoncer à étudier cette discipline spéculative ?

L’humain, curieux par nature, ne renonce pas forcément devant l’obstacle – fût-il a priori apparemment insurmontable.

Christophe Colomb n’avait-il pas lui-aussi fait un pari complètement fou en partant à la découverte des Indes par la route occidentale ?

Au début des années 2000, des auteurs s’exprimant dans la langue de Shakespeare ou en américain, par exemple D.L. Wiltshire qui publie une introduction à la cosmologie quantique dans [06 ; v1 en fin 2000], placent d’emblée la discussion sur un plan scientifique.

Les formalismes canoniques en gravitation quantique (dont la cosmologie quantique est présupposée être une sous-branche) sont fondés sur une quantification de la théorie de la gravitation (rebaptisée entre temps relativité générale) d’A. Einstein [13] lorsque celle-ci est formulée dans un cadre hamiltonien. Les pionniers de cette approche sont notamment Dirac, Bergmann, Arnowitt, Deser, Misner, Wheeler et DeWitt.

La gravitation quantique acquiert progressivement ses lettres de noblesse, notamment grâce aux travaux d’Ashtekar et de Bojowald entre les années 2000 et 2015. La branche francophone prend également progressivement conscience de l’intérêt à positionner le sujet sur le plan rationnel. Elle participe au développement de la gravitation quantique dite « à boucles », à laquelle C. Rovelli contribue activement [16].

Dit crûment, et comme rappelé plus haut, les domaines de définition de ces deux disciplines sont a priori totalement disjoints. Alors avant de poursuivre cette exploration, il semble légitime de se demander : « Qui a commencé à proposer ce concept liant deux mots désignant des domaines physiques agissants chacun à une extrémité de l’échelle des grandeurs ? » Et : « Quel détour de la pensée humaine a-t-il poussé à vouloir les faire se télescoper mentalement ? »

Certains font remonter l’énoncé de la problématique consistant à lier physique relativiste et physique quantique à un article historique cosigné Einstein-Rosen en 1935 [07].

A supposer que cette approche soit la bonne, l’une des épreuves à surmonter concerne la quantification de l’espace-temps lui-même. Elle est nécessaire car la théorie de la gravitation d’A. Einstein en a fait un objet physique à part entière. Il se substitue d’une certaine façon à l’éther et s’inscrit dans une démarche privilégiant la notion de champ.

Un champ a son existence propre et peut se déformer. Le champ de gravitation ne fait pas exception. Les ondes gravitationnelles et l’effet Thirring-Lense sont deux phénomènes confortant cette affirmation. Leur existence expérimentale a été démontré récemment. Bien avant cette confirmation, les prédictions théoriques avaient motivé la création d’une discipline étudiant spécifiquement ces déformations, la « géométrodynamique », dès les années soixante-dix.

Or une analyse des travaux d’A. Einstein met en évidence une problématique autour de la notion de temps [08].

Ce constat implique donc indirectement la nécessité de construire des théories alternatives résolvant la question de l’émergence de la notion de temps, voir par exemple l’article [09 ; 2013].

Malheureusement, Misner (un des trois auteurs du livre désormais mondialement connu « Gravitation » [10])  publie l’article [11] en 1969. En utilisant la procédure dite A.D.M (3 + 1 de notre côté de l’Atlantique ; [14], [15]), il parvient à quantifier la métrique spatio-temporelle… .

Et il démontre qu’il n’y a aucune contribution notable des états caractérisés par de petits nombres quantiques … même en descendant à l’échelle de Planck !

Une autre difficulté de taille tient au fait qu’une théorie de cosmologie quantique va forcément se baser sur les résultats d’une théorie de gravitation quantique.

Or il n’y a à ce jour aucune théorie de gravitation quantique stable et validée par l’expérience s’appliquant à un univers de dimension quatre ! A la place de cela, il y a des dizaines d’essais.

La théorie des boucles quantiques parvient à quantifier longueurs, surfaces et volumes grâce à des procédures mathématiques qui ne sont pas simples à comprendre et à maîtriser [16].

Malheureusement, les rares expériences menées pour tenter de mettre en évidence ces quantifications ne clarifient pas la situation. S’il existe un maillage de l’espace-temps, sa taille se situe très en dessous des dimensions accessibles aux instruments actuels.

Il semble donc que la piste consistant à quantifier l’espace-temps lui-même soit une impasse.

Martin Bojowald, un des maîtres d’une approche modernisée sur le sujet, explique dans [12] les fondements intellectuels de cette théorie.

Il s’agit de découvrir les lois de la physique s’appliquant à toutes les échelles de grandeur.

Les résultats théoriques acquis précédemment et l’indécidabilité expérimentale rendent désormais pertinent de se demander ce qu’il faut quantifier pour réaliser la jonction entre gravitation et physique quantique… si jonction il peut y avoir.

Les recherches effectuées peuvent se ranger dans quelques catégories. Certaines sont désormais devenues populaires aux yeux d’un public amateur et semi-averti (théories des cordes, théories de la géométrie non-commutative, théorie des boucles quantiques, théories de supersymétrie, etc.).

Aucune vision satisfaisante ne parvient cependant à émerger et à imposer son point de vue aux communautés scientifiques.

A tel point que l’auteur de [12] finit par s’interroger sur la nécessité de continuer à vouloir s’intéresser à cette thématique. Les arguments avancés pour poursuivre l’étude de cette discipline n’ont finalement pas de lien exclusif avec elle. En clair, ils ne s’appliquent pas qu’à elle et ne suffisent donc pas à la caractériser.

La cosmologie quantique semble surtout être devenue un alibi, un puissant moteur boostant les recherches fondamentales tous azimuts. Elle agit comme un poil à gratter obligeant à poser des questions mettant en doute notre cosmologie actuelle. Elle force à explorer plus à fond les questions qu’elle sous-tend mais auxquelles nous n’avons pas encore pris le temps de répondre.

Cette situation fonde indirectement un avis exprimé en 2020 par Dyson Freeman.

Il suggère de :

  • réorienter la quête sur la piste d’une comparaison entre gravitation quantique et thermodynamique ;
  • de ne pas s’enferrer sur une quantification directe de l’espace-temps.

En effet, la thermodynamique illustre parfaitement comment un phénomène se déroulant à l’échelle microscopique (le mouvement des particules) est la cause effective d’un phénomène ressenti à l’échelle macroscopique. La température d’un corps matériel est la résultante du mouvement des particules qui le constituent.

La gravitation ressentie à notre échelle ne serait-elle pas alors essentiellement le résultat collectif d’une glue existant aux échelles pico-scopiques ?

La question est posée.

Pour ne citer que quelques exemples :

  • Wikipédia,
  • astrosurf.com,
  • techno-science.net,
  • futura-sciences.com,
  • ca-se-passe-la-haut.fr,
  • researchgate.net,
  • les interviews de Carlo Rovelli ou de James Hartle sur YouTube,
  • la revue Springer,
  • le dépôt arXiv,
  • sciencedirect.com,
  • futury.org,
  • le journal Nature,
  • mdpi.com,
  • aps.org,
  • space.mit.edu (le fameux MIT),
  • worldscientific.com,
  • academic.oup.com (l’Université d’Oxford),
  • scientificamerican.com,
  • cambridge.com (l’université de Cambridge),
  • imperial.ac.uk,
  • degruyter.com,
  • academia.edu,
  • … et (mea culpa) tous ceux que j’oublie, apportent des éléments de réponse divers et disparates à celles et ceux souhaitant approfondir le sujet.

Un fait reste certain, les progrès accomplis pendant le siècle écoulé en astronomie et en cosmologie pour ce qui concerne le macroscopique, tout comme ceux réalisés en physique quantique et dans la compréhension de la matière condensée pour ce qui concerne le microscopique, ont littéralement fait exploser les frontières de l’univers connu à l’époque de la naissance de nos grands-parents.

Grâce à cela, une thématique – la cosmologie quantique- qui était, il y a quelques années à peine, très discrète et à la limite de l’hérésie, a pris un peu d’envergure et acquis quelques lettres de noblesse.

Il faut espérer qu’un travail constant livrera les réponses aux énigmes encore irrésolues aux générations futures. Certaines d’entre elles sont abordées sur ce site dans le chapitre « Questions ouvertes« .

Avant d’en arriver là, il peut s’avérer judicieux de commencer par étudier

Bibliographie

[01] Article Wikipédia sur le sujet de la « cosmologie quantique ».

[02]  « Cosmologie quantique » ; revue Internationale de Philosophie 54, no. 212 (2) (2000): 329–50 ; www.jstor.org/stable/23955587.

[03] « Un tournant dogmatique de La Cosmologie? Note Critique ». Revue Philosophique de Louvain, 104, no. 2 (2006): 347–60 ; www.jstor.org/stable/26342441.

[04] La cosmologie quantique ; (site non sécurisé) www.astrosurf.com/luxorion/cosmos-quantique3.htm.

[05] Cosmologie quantique – Définition et explications ; www.techno-science.net/glossaire-definition/Cosmologie-quantique.html.

[06] An introduction to quantum cosmology; arXiv:gr-qc/0101003, 60 pages.

[07] Einstein A., Rosen, N.: The particle problem in the theory of relativity; pp. 73-77, physical review, vol. 48, July 1, 1935.

[08] Rovelli, C. : L’ordre du temps ; ISBN 978-2-081409200, © Flammarion, Paris, 2018, 288 pages.

[09] L’effet EPR fait-il émerger le temps en cosmologie quantique ? www.futura-sciences.com/sciences/actualites/physique-effet-epr-fait-il-emerger-temps-cosmologie-quantique-49996/, 5 novembre 2013.

[10] MTW: Gravitation.

[11] Quantum Cosmology I, Phys. Rev. 186, 1319 – published 25 October 1969.

[12] Quantum cosmology: a review; arXiv :1501.04899v1 [gr-qc] 20 January 2015.

[13] Einstein, A. : Die Grundlage der allgemeinen Relativitätstheorie; Annalen der Physik, vierte Folge, Band 49, (1916), N 7.

[14] 3 + 1 formalism and bases of numerical relativity – lecture notes; arXiv: gr-qc/0703035v1, 06 March 2007.

[15] A.D.M., the Dynamics of General Relativity; arXiv: 0405109v1, 19 May 2004.

[16] Covariant Loop Quantum Gravity (An elementary introduction to Quantum Loop Theory and to Spin foam Theory), 277 pages.